Réceptaire et entremet






















Les livres de cuisine se développent au milieu du XIVe siècle sous l'influence des maîtres queux. La rédaction de ces traités permettent d'identifier leurs talents culinaires envers les rois qui les choisissent par la suite cuisinier de leur cour. La recette devient la signature du maitre-queux et sa marque de reconnaissance, phénomène qui contribua d'ailleurs à faire de la cuisine une spécialité liée à une personnalité et donc à une origine géographique. Alors que la cuisine n'avait pas de frontières en Europe, les recettes diffusées par les maîtres-queux dans les cuisines royales contribuèrent à nationaliser les mets et donc à catégoriser les goûts selon leurs provenances.

Les premiers livres de recettes, les réceptaires, sont écrits à plusieurs mains, les marges servant souvent à rajouter et à préciser une étape d'exécution ou un ingrédient supplémentaire. Il en est ainsi du Viandier de Guillaume Tirel dit Taillevent, l'un des premiers réceptaires connus, qui s'apparente plus à un ouvrage collectif de recettes écrites entre 1373 et 1381 que l'œuvre d'un unique auteur.

La notion même d'auteur n'étant pas encore à cette époque clairement définie, la présence de plusieurs contributions au sein d'un même texte et d'une même page est fréquente. Les versions manuscrites et imprimées du Viandier rendent compte de ce processus : des chapitres entiers ont été retirés, ajoutés et modifiés. Outre des recettes culinaires, les réceptaires contiennent des remèdes médicaux, des descriptions de grands banquets et des recettes de fabrication d'entremets. La recette est à la fois une notice et une histoire où se mêlent ingrédients culinaires, représentations allégoriques et propagandes politiques. Elle est une compilation d'écrits cacophoniques dont le contenu et le style ne cesse de se renouveler au fil du temps et des goûts.

















L'entremet est quant à lui un divertissement, sous la forme de plats de luxe, de nourritures déguisées et de représentations, animées ou non, servis dans l'intervalle des plats des grands banquets. Les maitres queux édifient par exemple des pâtés monumentaux ou des oies rôties revêtues des plumes de paon. L'entremet rompt avec le cérémonial très codé des banquets et marque une pause entre les services du repas au cours de laquelle, sans quitter les lieux, les convives peuvent donner libre cours à leurs commentaires et activités. Il évolue vers la représentation théâtrale dont le Viandier de Taillevent réserve tout un chapitre : celui de paintrerie et de tailleurs d'images concernent de moins en moins des aliments comestibles que des représentations de scènes allégoriques en peinture, sculpture et performance avec personnages vivants, le tout sur la même table où se consommait les plats. Dans les manuscrits médiévaux, les marges étaient aussi des intervalles spatiales où se développaient une iconographie exubérante, voire blasphématoire, appelée les drôleries.